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    Patrick Martin à L’Usine nouvelle : « Le redémarrage de l'Allemagne est impressionnant »

    Dans une interview accordée à L'Usine Nouvelle, Patrick Martin se dit impressionné par le démarrage de l’Allemagne et met notre pays en garde contre un potentiel décrochage si des mesures courageuses ne sont pas prises.

    Sur l’Allemagne vs la France

    « Il n’y a malheureusement plus beaucoup de secteurs industriels dont les carnets de commandes sont pleins et continuent à se remplir. La consommation demeure atone, le bâtiment est en grande souffrance. Les ventes d'automobiles sont descendues à leur niveau de 1995... Le commerce peine également, avec la concurrence chinoise venant de plateformes comme Shein. Nous ne nous résignons pas, mais il faut être très précautionneux. Et s'il doit y avoir des mesures de relance, ce n'est pas de la consommation, mais de l'investissement. Le gouvernement cherche 40 milliards d’euros pour boucler le budget 2026. L'effort sur les dépenses courantes doit porter sur la sphère publique et ne pas affecter, de nouveau, les entreprises. Malheureusement, ce que j'avais dénoncé au moment du vote du budget 2025 se confirme : nous avons une croissance atone, un investissement en berne et un début de destruction d'emplois dans le secteur privé marchand. Je suis surtout frappé par le décrochage qui s'amplifie par rapport à nos voisins européens, pourtant soumis aux mêmes règles européennes. La croissance française devrait être proche de 0,6 % cette année, alors que l'Espagne approche les 3 % et la Pologne est à 3,5 %. Et le redémarrage de l'Allemagne est impressionnant. Au premier trimestre, la croissance allemande a été quatre fois plus forte que celle de la France, à +0,4 %. La chimie européenne reste en souffrance, mais des acteurs du secteur disent que les commandes s'accélèrent vers l'Allemagne. Et le programme de relance de la coalition de Friedrich Merz est impressionnant : il prévoit de baisser à 10 % le taux de l'impôt des sociétés, d’instaurer un amortissement accéléré sur les investissements, des exonérations d'impôts et de charges sur les heures supplémentaires… L'Allemagne est en train de se renforcer avec une politique de l'offre, de l'attractivité et de la compétitivité. Elle y consacre 46 milliards d’euros. Nous devons être attentifs à ne pas décrocher, tout en prenant en compte la dangerosité de l'état des finances publiques françaises. Nos débats franco-français ne prennent pas en compte la réalité du monde ! » 

    Sur la TVA sociale

    « 57 milliards d’euros de TVA servent déjà à financer la protection sociale. Je suis un peu surpris que certains s'opposent à ce qui existe déjà. Le premier avantage de la TVA sociale, c’est de permettre aux entreprises de gagner en compétitivité. Le deuxième, c’est d'améliorer les salaires nets des salariés. L’Etat est par ailleurs doublement bénéficiaire : si les résultats des entreprises s’améliorent, il percevra plus d’impôt sur les sociétés et la mesure aurait un effet mécanique sur les allègements de charges. Je souhaite qu’on engage la discussion, avec les organisations syndicales et l'Etat, sur le partage des gains. Mais instaurer une TVA sociale uniquement pour combler les déficits serait clairement une ligne rouge pour nous car cela voudrait dire zéro gain pour la compétitivité et les salaires. »

    Sur les retraites

    « La réforme des retraites est devenue le symbole de la capacité qu'a la France à se réformer ou pas pour les investisseurs étrangers. Envoyer un signal contraire à ceux qui détiennent la moitié des 3300 milliards d’euros de dette de la France, c’est prendre un risque considérable. Ce serait aussi un mauvais signal pour nos concitoyens. On ne peut pas dire qu'il faut travailler plus, et de l’autre côté signifier qu'on peut travailler moins. (…) Ce qu'on propose sur la pénibilité, ce n'est pas la restauration de l'usine à gaz paperassière qui a existé à une époque. Si cette mesure est retenue, elle améliorera la prévention, les reconversions et donc permettra de rester en emploi dans de meilleures conditions. Nous avons par ailleurs proposé des avancées sur les invalidités et les carrières des femmes. »

    Sur les droits de douanes européens

    « La stratégie de l'Europe consiste à ne pas réagir aux provocations et à s'armer à bas bruit. Je pense que c'est la bonne méthode. Notre meilleur allié dans cette affaire, ce sont les Américains eux-mêmes, qui risquent une hausse de l’inflation, une déstabilisation des marchés financiers, des tensions sur le marché de l'emploi... C'est une vue de l'esprit d'imaginer rapatrier aux Etats-Unis tout ce qui vient d'Europe, du Mexique ou du Canada. Ce qui me rassure, c’est que les Américains ne peuvent pas se passer du marché européen. Je pense que nous trouverons un accord. »

    >> Consulter l’interview sur le site de L’Usine nouvelle (réservé aux abonnés)