
Patrick Martin sur BFM TV : « Il faut que les entreprises soient plus entendues »
Invité de « Tout le monde veut savoir » sur BFM TV, le 23 avril dernier, Patrick Martin a été interrogé sur la politique économique de Donald Trump et l’instabilité qui en découle pour la France, sur l’annonce d’Arcelor Mittal de supprimer 600 emplois, sur le patriotisme économique souhaité par Eric Lombard, sur la fiscalité qui pèse sur les entreprises et sur les économies à trouver dans le prochain budget.
Sur la politique économique de Trump
« Effectivement, c'est très déroutant et en soi préjudiciable à la bonne marche de l'économie mondiale, de l'économie américaine elle-même que le président Trump, d'un jour à l'autre, change de position », constate Patrick Martin se félicitant toutefois du fait que le président américain semble « revenir à la raison ». « Ces montagnes russes, incitent toutefois à une extrême prudence, et cela a des conséquences très concrètes en matière de décisions d'investissement, de politique tarifaire, d'emploi et s'agissant spécifiquement de la France, cela vient se surajouter à d'autres aléas propres à notre pays. (…) Cet épisode, quelle qu'en soit l'issue, laissera durablement des traces parce que cela crée un vrai problème de confiance entre les continents et singulièrement entre l'Union européenne et les Etats-Unis ». Et d’ajouter : « on ne peut pas, dans la durée, se satisfaire de redescendre à 10 %, soit sept points de plus que ce qui existe déjà. Cela pèsera immanquablement sur le commerce international, donc sur la production en France ». Pour Patrick Martin, il est donc impératif « que l'Europe continue à se préparer, à mettre en place des mesures de riposte, et à amener les Américains à ce qui semble être un de leurs objectifs, c'est-à-dire la suppression des droits de douane. Là, ça serait beaucoup plus positif ».
Sur ArcelorMittal
« Ce que l'on est en train de payer, considère Patrick Martin, ce sont les errements de l'Union européenne sur le prix de l'énergie. C'est par ailleurs, une stratégie très offensive, très agressive de la part de la sidérurgie chinoise. (…) La sidérurgie, au même titre que la chimie, qui peuvent passer pour des industries d'un autre temps, sont, en fait, des industries totalement structurantes, parce que ces produits sont intégrés dans beaucoup de productions et que c'est un enjeu de souveraineté ». L’affaire est grave « parce que ce sont 600 suppressions d'emplois, mais c'est grave au-delà de cela, parce que cela fragilise fondamentalement l'Europe. Le marché est très exigeant. On ne peut pas à la fois demander que le prix des automobiles n'augmente pas ou le prix des électroménagers, et accepter que les prix de l'acier soient anormalement élevés par rapport aux prix de marché. Ce qu'il faut, c'est réguler le marché ».
Sur le patriotisme économique demandé par Eric Lombard
« Bien sûr que nous sommes patriotes, sans quoi nous ne serions pas installés en France, nous n’emploierions pas en France, nous n'investirions pas en France », insiste Patrick Martin. Il dit toutefois partager « le coup de gueule, de Bernard Arnault, d'autres patrons et du Medef, sur le fait que l'Europe, qui s'est enfermée dans une espèce de logique mortifère, ne peut pas se tenir à l'écart de la compétition mondiale. Il faut simplifier beaucoup plus vite en Europe, en France, il faut gagner en compétitivité sinon nous serons tout simplement un marché pour les Chinois et pour les Américains. On n’aura plus d’industrie et on deviendra un continent pauvre. (…) L'Europe, progressivement, se disqualifie parce qu'elle poursuit des chimères. Elle veut être le continent le plus vertueux du monde, alors qu'elle l'est déjà. On empile les réglementations, on lie les pieds et les poings des acteurs économiques, à un moment donné, il faut revenir à un juste équilibre ».
Sur les impôts qui pèsent sur les entreprises
Quand on nous parle de cadeaux fiscaux faits aux entreprises, « ça me laisse pantois » s’indigne Patrick Martin, qui rappelle que « le taux d'imposition sur les grandes entreprises françaises cette année a été porté à 35,5 % alors qu’il y a un certain nombre de pays européens, mais cela va être vrai des Etats-Unis très rapidement, dont le taux d'imposition est descendu à 15 %. (…) Bien sûr, on s'est rapproché des standards européens. Il n'en demeure pas moins que les entreprises françaises demeurent, en termes de fiscalité, en termes de charges sociales, parmi les plus taxées du monde. Il ne faut pas s'étonner, à partir de là, qu'on ait un énorme et chronique déficit commercial, que nos entreprises ne soient pas assez compétitives, qu'on n’emploie pas autant qu'il le faudrait et qu'on ne distribue pas autant de salaires qu'il le faudrait ».
Sur le budget 2026
« Il faut que l'État, la sphère publique globalement, y compris le système de santé, y compris les collectivités locales, baissent leurs dépenses. C’est la solution la plus saine et la plus vertueuse. Si d'aventure, il faut aller chercher un surcroît de recettes, ce n'est certainement pas sur le dos des entreprises qui supportent cette année 13 milliards d'euros de prélèvements de plus qu'en 2024 et sont les plus taxées au monde. (…) On est dans une forme d'urgence. L'État des finances publiques est critique et je pense que tous nos concitoyens ne l'ont pas encore compris. Beaucoup oublient aussi que les retraites sont payées par les actifs. On est dans le pays où l'équilibre entre les revenus du travail et les revenus des retraites sont à peu près les mêmes. C'est le seul pays au monde où le taux de retraite est aussi élevé par rapport aux taux de salaire. A un moment donné, s'il doit y avoir des efforts et si tout le monde doit contribuer à l'effort, pourquoi s'interdire de mettre les retraités, les retraités les plus aisés, à contribution, les retraités et d’autres. On a le niveau de dépenses publiques le plus élevé du monde. A-t-on les meilleurs services publics du monde ? Non. Donc, il y a un impératif à la fois d'équilibre financier et d'efficience de la dépense publique ».
In fine, conclut Patrick Martin, « il faut que les entreprises soient beaucoup plus entendues en France par les politiques, comme elles le sont dans d'autres pays. Et ça marche très bien, y compris au sein de l'Union européenne, en Pologne, en Italie, en Espagne, au Portugal, Je rêve que la France ait les mêmes performances que ces pays qui sont dans l'Union européenne ».