
Patrick Martin sur Europe 1 - Retraites : « Revenir à 63 ans creuserait le déficit de 10 milliards par an »
Invité d’Europe 1 Soir le 11 juin, Patrick Martin a commenté le travail fait lors du conclave sur les retraites en rappelant que les premières préoccupations des Français sont le pouvoir d’achat et l’avenir des régimes sociaux. Refuser les 64 ans ne permettrait pas de répondre à ces attentes. Il s’est aussi inquiété de la situation économique de notre pays.
Sur les priorités des Français
« C'est très difficile de faire un pronostic à ce stade. Ce qu'on a mis en perspective, c'est que les priorités des Français, c'est le pouvoir d'achat et l'avenir des régimes sociaux. Nous avons voulu prendre cela en compte, en ne perdant jamais de vue que notre pays est dans une situation de grande fragilité financière, Donc il n'était pas question pour nous de contribuer à creuser les déficits. Nous avons fait des propositions, très ouvertes, très constructives sur l'usure au travail, sur la gouvernance des régimes de retraite, sur les carrières des femmes, sur la prise en compte des incapacités permanentes. Mais il est évident qu'il faut qu'on travaille plus. Envoyer un signal et appliquer une réalité qui conduirait à travailler moins, cela ne répondrait pas aux attentes de nos concitoyens : le pouvoir d'achat et l'avenir des régimes sociaux. Un des avantages du report de l'âge de départ en retraite, c'est qu'on génère plus d'emploi en général donc on génère plus de richesse. Je voudrais insister sur les bonnes performances qu'ont un certain nombre de nos pays voisins à l'intérieur de l'Europe. La Pologne va être à 3,5% de croissance cette année, l'Espagne à 3%. L'Allemagne est en train de redémarrer d'une manière assez spectaculaire parce que le Gouvernement a mis en place des dispositifs d'attractivité et de compétitivité. Il vient d'annoncer 46 milliards d'euros de mesures de soutien aux entreprises. Au même moment en France, en 2025, les entreprises ont été accablées de 13 milliards d'euros de charges et d'impôts supplémentaires. »
Sur l’emploi des séniors
« Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le fait de reporter l'âge de départ en retraite, cela accroît le taux d'emploi chez les seniors. Le fait de se projeter dans l'avenir, cela incite à travailler plus longtemps. En novembre dernier, nous avons signé un accord avec les organisations syndicales, qui permet de mieux anticiper les fins de carrière sur le plan de la santé, sur le plan des compétences. Donc oui, il y a un faisceau de dispositifs à mettre en place. Mais je suis très confiant. »
Sur la prise de conscience qu’il faut travailler plus
« S’il n'y a pas cette prise de conscience généralisée et qu’on finit par être dans un monde d'illusions avec l'argent magique, on va être rattrapés par la patrouille. C'est évidemment ce que le Medef veut prévenir, pour qu’on prenne des mesures inspirées par ce qui se passe de bien dans les pays voisins. J'insiste sur un point : si on revenait aux 63 ans, on creuserait encore le déficit des retraites de 10 milliards d'euros par an. »
Sur les finances publiques et la situation économique
« Si déjà, on trouve 40 milliards d’économies, ce sera un commencement. On sait où les trouver, mais on ne sait pas comment les trouver. Le paysage politique, tellement fracturé, tellement sous pression de l'échéance présidentielle de 2027, est en grande difficulté pour prendre des décisions éclairées et courageuses. Nous sommes en train de décrocher et je souhaite bon courage à qui prendra la présidence de la République en 2027. Parce que si les choses continuent comme ça, cette personne quelle qu'elle soit, récupérera un pays en grande difficulté. Ce que j'observe dans les pays voisins est plutôt encourageant. Il y a une voie de passage, encore faut-il l'emprunter. Par exemple, on a un enjeu énorme sur le prix de l'énergie. C'est un enjeu de compétitivité, de souveraineté. Eh bien, il y a sur les dernières semaines des avancées intéressantes entre EDF et certains grands industriels. Il y a des investissements qui arrivent en France, on ne peut pas les contester, ils sont heureux et opportuns, mais en regard, parce qu'il y a eu des erreurs stratégiques de l'Union européenne, de la France elle-même, on a des pans entiers de notre industrie qui sont en train de dépérir. Sur l'automobile par exemple, il y a une urgence absolue. (…) A un moment donné, il faut que l'Europe, la France, prennent dans l'urgence des mesures de protection. Sans quoi, on va balayer tout notre tissu commercial. »